Les nuits de la roulotte #16 (6/6)

Y’a qq temps j’ai dédié une de mes photos à un couple de potes avec une citation de Rubin « Hurricane » Carter que j’affectionne tout particulièrement et ce depuis de longues années :

« Celui qui déplore le manque d’opportunité, oublie souvent que des petites portes peuvent quelques fois s’ouvrir sur de grandes pièces. »

Pour moi les nuits de la roulotte bin ça a été exactement pareil :

Le texto de deux lignes d’un pote pour une invit à une réunion d’asso un soir de cafard.

Et Pourtant… Assez vite… Encore plus avec le recul… Il s’est avéré que l’univers qui se cachait derrière cette petite porte valait bien plus que certaines grandes pièces possibles et imaginables !

Prêts pour une immersion au pays des nomades, des concerts improvisés à toute heure et des nuits de danse endiablées dans la neige autours d’un bidon qui flambe sous la lune ?

Bin, c’est parti mes louloutes !!


GYPSY FOR A DAY

ou

La presque vérité sur la légende pas tout à fait
totalement inventée des nuits de la roulotte

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Associatif, évènementiel, univers tzigane et nomade, grands et petits enfants, musique, danse, spectacles de théâtre, chant, impro, jonglerie de feu, théâtre, marionnettes, battle musical, bénévoles, artistes de tous bords et j’en passe une pleine brouette on va pas tourner autours du pot trois plombes, ce festival regroupe trop de sujets qui me sont chers pour que je puisse être objectif en écrivant ces lignes.

D’ailleurs pour trancher net de style et comme je crois qu’après vingts jours de photo et de bénévolat j’ai un peu mérité de faire ce que je veux, jusqu’à la fin de cet article qui n’en sera pas un j’vais m’appeler Bogdan et j’vais me payer le luxe d’un assistant du nom de Sdrjan pour me rafraichir la mémoire au besoin et me servir des coups à boire pendant que je rédige.

D’ailleurs tiens Sdjran, verse moi un verre et va me mettre Aälma Dili en fond sonore.

– Mais Bogdan tu sais bien… On a pas le CD…
– Arf… J’ai bien aimé ce groupe, ça m’a rappelé le pays. Tant pis. Mets Radix et le fil d’Arianne alors.
– Mais… On les a pas non plus Bogdan, on a plus un sou, plus du tout.
– Monde de merde…. Bon bin remet Redstar Orkestar alors.
– Un cinq titres… En boucle… Depuis une semaine… J’aime bien aussi, rien à redire la dessus mais on est des gitans quand même !
– Si on était vraiment des gitans la musique on la ferait nous même !
– Oui bon d’accord peut être pas complètement gitans… Mais quand même tu sais jouer un peu de guitare et de violon non ?
– Ok, ok, ok, tu te fous de moi ! Tu veux me mettre de mauvaise humeur de bon matin, c’est ça ?!?
– Mais quoi ?! Qu’est ce que j’ai dit ?!
– Trois accords de metallica, un peu de nirvana, de nada surf, une intro des red hot et un vague souvenir de moriarty, c’est sûr qu’avec ça comme références si j’suis pas gitan j’suis au moins… Au moins… Rha bref, tu m’embrouilles…. Trouve moi de la musique !
– Mais Bogdan, je te l’ai déjà dit mille fois !! Tes combines à deux roubles ça nous coute plus que ça rapporte et ton dernier travail à la mine c’était y’a longtemps, avec quoi tu veux les acheter tes CD ?
– ….
– Tu vois, même toi tu sais pas.
– Sdjran ?
– Oui ?
– ….
– Quoi ?
– J’ai trouvé.
– Trouvé quoi Bogdan ?
– J’vais devenir conteur !
– Conteur, comment ça conteur ?
– Il arrive ce verre ?
– Oui, oui. Comment ça conteur ?
– J’vais te raconter une histoire sensationnelle mon petit Sdjran et j’irai la raconter à tous les enfants qui voudront bien l’écouter.
– Bogdan… C’est encore une combine qui pue à plein nez ça… Toi conteur ? Soyons sérieux. Et pis racketter des gosses, non vraiment non j’peux pas, leurs parents ok mais les gosses, on est des git….
– Tais toi Sdjran tu débloques… Pose le verre et tais toi… Ça commence.

Chapitre 1 : Chapiteaux sous la neige
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Cette histoire commence sur une bien triste et bien vide place carrée faite de gravier et bordée de grandes arches. Dans un coin des jeux pour les enfants mais c’est bien le seul endroit de toute la place qui semble abriter encore un peu d’insouciance et de vie, même les arbres tirent triste mine…

Le soir, les lieux sont souvent les témoins de rixes d’alcooliques, de flaques de vomi et d’histoires plus glauques encore que je ne raconterai pas ici.

Hélas, quand le jour se lève ce n’est que pour laisser apparaitre les nombreux mégots et détritus qui jonchent le sol…

Personne ne s’arrête plus sur cette place, pas même l’été pour de la pétanque ou pour discuter au soleil avec un ami. Alors petit à petit elle finit par avoir très mauvaise réputation, les commerces environnants ferment et la bibliothèque déménage. Les gens prennent l’habitude de faire le tour à chaque fois et même les touristes venus de loin, voyant ce grand carré totalement vide, préfèrent l’éviter eux aussi.

La place est morte…

Plus personne n’y passe du tout, pas même les chiens errants ou les oiseaux…

Jusqu’au soir où, en plein hiver, un sans abri venu d’un lointain pays d’est ne trouve refuge sous les arches de la place pour éviter la neige qui tombe. Il ne fait guère plus chaud qu’ailleurs mais ici au moins il est au sec et l’endroit semble si désert qu’il s’y sent assez en sécurité pour se recroqueviller contre un mur et s’endormir.

Mais, quelques heures plus tard, réveillé par le vent qui souffle, quelle n’est pas sa surprise de voir que bravant le froid, en deux temps trois mouvements, une compagnie de cirque s’est installée sur la place et a dressé deux immenses chapiteaux en plein milieu. Les pas dans la neige trahissent une récente et vive activité.

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Il se frotte les yeux un instant, pensant rêver mais non, les deux chapiteaux sont toujours là, comme deux refuges perdus au centre de ce carré blanc. Alors sans réfléchir, il se lève, soulève la jupe d’un des chapiteau et y entre pour se mettre au chaud et demander l’hospitalité.

Mais le chapiteau est complètement vide et plongé dans le noir…

Il se dirige alors vers le second chapiteau et y rentre mais pareil… A part un lustre poussiéreux et quelques guirlandes au plafond, celui-ci est aussi vide que sombre.

Tant pis se dit-il, au moins ici je serai au sec. C’est donc ainsi, calé contre un des mats du chapiteau qu’il se rendort aussitôt.

Chapitre 2 : Un accordéon et une assiette de goulashkumbiaborukanuitsdelaroulottePFYphotodujourbonjour

A son réveil Tilak, car tel est son prénom, n’en croit une nouvelle fois pas ses yeux. A ses côtés, sur le sol de graviers, sont posés un accordéon et une assiette de nourriture encore chaude. Il regarde autours de lui mais il est toujours tout seul sous ce grand chapiteau. Qui a donc bien pu lui apporter ceci ? Il sort jeter un œil dehors mais il n’y a personne non plus.

Ou presque…

Dans la neige, de nombreuses empreintes de pas convergent vers l’entrée du chapiteau puis disparaissent à l’intérieur. Comme si, cette nuit pendant qu’il dormait, une grande fête avait eu lieu et que personne n’en était encore reparti.

Non se dit-il, ce n’est pas possible, comment une fête a t-elle pu avoir lieu ici sans que cela ne me réveille ?… Et où sont donc passés tous ces gens ?

Mais il n’a pas le temps d’y réfléchir plus longtemps, son estomac le torture et, se souvenant de l’assiette au sol, il rentre immédiatement pour en profiter tant qu’elle est chaude.

Il pousse un peu l’accordéon, prend l’assiette et, avant même d’avoir pu en manger une miette, reconnait le plat : du goulash… Son repas préféré… En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, son assiette est vide et son estomac plein. C’est la première fois que cela lui arrive depuis plusieurs mois… Il sourit, pose l’assiette et ramasse l’accordéon. Ce qui est le plus bizarre c’est que ce soit le seul instrument dont il sache jouer. Il s’assied contre le mat du chapiteau et lève les yeux. Accroché tout au sommet un homme qui semble réparer les guirlandes et le lustre lui dit bonjour.

« Bonjour » répond Tilak machinalement avant de se figer.

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Il lève à nouveau les yeux vers le haut mais l’homme a disparu… Il croit une nouvelle fois à un mirage mais non, impossible ! L’inconnu, s’il n’est plus là, à réparé le courant, rallumé le ciel et, entre la lumière rouge orange tamisée du vieux lustre et les guirlandes blanches de pleines lunes, c’est un lever de soleil splendide auquel Tilak assiste.

Il se décale alors dans un coin du chapiteau pour profiter pleinement du spectacle et commence à jouer de l’accordéon. Un vieil air slave lent et un peu triste que son frère lui avait apprit il y a bien longtemps quand ils étaient jeunes. Il ferme les yeux et s’imagine avec ce dernier, jouant le même morceau, lui à l’accordéon et son frère au violon. Le temps de la chanson il s’évade loin au fond de ses pensées, de ses souvenirs et, sans s’en rendre compte, se met à sourire.

C’est alors qu’il entend une voix tout près de lui :

« – Tu te débrouilles plutôt bien avec un accordéon dis moi, ça te dis que je te présente des amis ? « 

Cette fois-ci, c’est sur, s’il n’est pas fou, il n’est pas seul  !!

Il ouvre les yeux et, pile devant lui, à trois ou quatre mètres se tient un homme étrange. Ce dernier, mal rasé et visiblement fatigué porte une chemise jaune avec une cravate verte pétante, une veste rouge sang et un bonnet en laine rayé. L’homme le fixe en souriant, un bout de clope au bec.

« – Bin alors tu comptes rester là ou tu te bouges ? Y’a du boulot d’ici ce soir. « 

– Stop, stop, stop. Une seconde Bogdan
– Oui, t’as raison, il est grand temps de se resservir un verre, passe moi la bouteille verte Sdjran s’il te plait
– La verte ? encore ?
– Oui encore, en souvenir.
– Ok, c’est toi qui vois. Mais dis moi juste un truc, ils sortent d’où tous ces gens ?
– Patience, tu verras bien.
– C’est comme genre… Comme de la magie ? Avec des baguettes et des incantations ?
– Non, c’est pas ça… Enfin… Oui c’est de la magie, mais pas ce genre de magie là, c’est plus… Subtil. Je peux continuer ?
– Oui, oui, pardon.

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Chapitre 3 : une fourmilière de cigales

En sortant du chapiteau, Tilak découvre étonné qu’une vingtaine de personnes s’activent pour nettoyer et préparer les lieux. Certains accrochent des guirlandes en travers de la place, d’autres dégagent l’épaisse couche de neige qui recouvre le sol et un groupe de filles prend à priori un grand plaisir à exploser des palettes à grands coups de masses jusqu’à ce que quelques musiciens ne sortent s’entrainer assis au grand air.

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Il s’avance un peu et s’aperçoit que sous l’autre chapiteau c’est l’effervescence, un groupe est en train de repeindre entièrement un bar fait de poutres et de palettes, un autre fixe au plafond des lampes, lampions et guirlandes, un troisième semble monter une petite scène et une ribambelle d’autres personnes passent dans tous les sens en portant, câbles, tonneaux de boissons et cartons divers.

« – Alors mon gars, reste pas planté là comme un piquet d’chapiteau. Qu’est ce que tu sais faire de tes dix doigts ? lui demande l’homme à la cravate verte.
– Heu… Rien… Répond Tilak. J’étais musicien, je sais jouer un peu d’accordéon mais sinon…
– L’accordéon j’ai entendu et pas qu’un peu mais ça sera pour ce soir. Tu sais rien faire d’autre ? Rien de rien ?… Y’a personne qui ne sache rien faire. Je sais rien faire c’est la réponse de quelqu’un qui se sous estime ou celle de quelqu’un qui a un poil dans la main. T’es lequel ?
– Je sais pas… Le premier je suppose ?
– Bien sur que t’es le premier ! j’te charrie. Allez vient, on va te trouver un truc à faire. »

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Et c’est ainsi que passe la journée, entre gestion des stocks, épluchage de carottes et d’oranges, installation de bidons pour le feu, préparation des lumières pour les spectacles, ré-ajustage de décorations et maquillages de certains artistes.

En fin d’après midi, Tilak s’est finalement rendu bien plus utile qu’il ne le croyait possible au début de la journée.

Posé dans un canapé, un petit sourire au coin des lèvres et le regard plongé dans les flammes d’un braséro, il est éreinté. Éreinté mais heureux. Il aime cette ambiance, ces gens. Il y a en ces lieux une sorte d’esprit bienveillant des plus appréciable, telle une couverture dans laquelle se glisser et se réchauffer… Se protéger…

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Il commence à s’assoupir quand il sent des mains se poser sur ses épaules et le masser. Très agréable sensation mais à peine arrive t’il à se détendre que le massage s’arrête et qu’un homme de grande taille vient se planter devant lui d’un air grave en lui tendant la main.

« – C’est dix balles le massage.

Talik reste sans voix un instant mais avant qu’il n’ai pu répondre quoi que ce soit l’inconnu, visiblement content de sa blague, éclate de rire et continue :

– En fait à la base j’venais te dire que tu peux aller manger avant de t’endormir sur place, mais après si tu veux un massage, y’a pas de soucis, tu reviens me voir et je m’en occupe.  Gratos. » rajout t-il avec un sourire.

Puis, lui indiquant une tente derrière les deux chapiteaux et lui souhaitant bon appétit, il s’en va proposer ses services à un homme qui s’étire sur un des canapés à côté.

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Chapitre 4 : Les âmes perdues

En rentrant sous la tente, Talik n’est même plus étonné de voir qu’il y règne la même gentille pagaille qu’au dehors, Dans un coin près de l’entrée un groupe se maquille pour l’un des spectacles de la soirée et tout autours certains mangent, d’autres tiennent des comptes, font des listings, boivent un café en parlant de tout et de rien ou profitent d’une pause bien méritée pour somnoler sur un coin de table.

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A l’autre bout de la tente se tient une dame avec un tablier de cuisine rouge et un grand sourire, dès qu’elle aperçoit Talik, elle lui demande :

« – Alors mon goulash, comment il était ?
– C’était vous alors ! Merci, vraiment, il était excellent. Il en reste ?
– Ha non désolé mais t’inquiètes pas, j’ai que du premier choix.

Elle se redresse en faisant claquer ses talons, le dos droit, une main le long du corps et l’autre repliée sur le ventre, prend une air un peu supérieur et annonce :

– Au menu ce soir mon bon monsieur l’équipe vous propose, soupe de légumes avec croutons de pain en entrée, croziflette végétarienne en plat principal puis yaourt, fruits, fromages avant un brownie en désert, le tout maison et/ou bio. Cela vous ira t-il ?

Talik la regarde dans les yeux un instant, souris doucement puis ils éclatent de rire en même temps.

– Allez, prends toi une assiette que je te serve, y’a de l’eau en pichet sur les tables, du vin dans le cubi derrière toi. Y’a d’la bière si t’as un peu de sous. »

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« –  Attends, deux secondes…
 – Qu’est ce qu’il y a Bogdan ? T’as l’air tout pâle.
– Cette histoire… C’est ma mère qui me la racontait quand j’étais petit… La suite me foutait toujours les jetons.
– Pourquoi ?
– Les peurs de gosse c’est pas rationnel… Ressers moi un godet s’il te plait.
– La verte encore ?
– Non, pas celle là, l’autre.
– Celle en forme de pieuvre ?
– Non, celle derrière, sans étiquette et un peu trouble.
– Bogdan… Ho… Qu’est-ce qui se passe ?
– Je te dis de me passer la bouteille.
– Enfin Bogdan… HO ! T’es fou ou quoi ? Tu sais ce que c’est cette bouteille ?!
– Sdjran, on va causer de choses sérieuses là, faut une boisson en conséquence.
– Bodgan, s’il te plait, fais pas le con !
– Allez hop, cul sec !!

Le temps d’être servi et de se retourner, plus de la moitié des gens de la salle sont repartis. Un ou deux retardataires les ont remplacé mais l’ambiance est beaucoup plus calme. Une femme en profite pour se glisser sous une couette en fourrure et fermer les yeux un moment.

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Un homme avec un bonnet en forme de perruque fait signe à Talik de venir s’asseoir à côté de lui pour manger.

« – Alors c’est toi notre accordéoniste matinal ?
– Oui. C’est vous qui étiez sur le mat ?
– Pardon ?
– C’est vous qui…
– Tu peux me tutoyer tu sais ?
– Ha pardon, c’est toi qui étais sur le mat ?
– Wep, Will enchanté
– Talik, enchanté !
– Je t’ai réveillé ?
– Non, non, du tout. Surpris par contre, j’ai cru que j’avais rêvé.
– Ha ha ha, c’est normal cet endroit est… Un peu spécial. Si tu restes un peu tu t’habitueras.
– Mais… Je comprends pas…
– Qu’est ce que tu comprends pas.
– Vous êtes ici depuis quand ?
– Seize ans.
– Sei… Tu t’fous d’moi, hier soir vous étiez même pas là !
– Hier soir c’est toi qui nous voyais pas, nuance…
– Hein, comment ça ? Ça n’a pas d’sens.
– Attends une seconde.

Il marque une pause pour aller se servir un café et reprend à son retour :

– T’es qu’au début du tour de magie et tu veux déjà connaitre les astuces du grand final ? C’est un peu se gâcher le plaisir non ? Arrête moi si je me trompe mais vu ta situation tu vas rester avec nous un moment alors… Peut être que le mieux c’est de te laisser découvrir ça par toi même non ?

Tilak le regarde sceptique.

– Ok, ok, j’te donne la base tu te débrouilles après, vendu ?
– D’accord.
– De nos jours les gens sont souvent trop préoccupés par une foultitude de choses pour voir ce qu’ils ont sous les yeux. Plus d’émerveillement, de surprise… Plus de magie. Ils ont perdu leur âme d’enfant et leur monde est devenu terne… Froid.
– Ils sont devenus aigris ? Méchants ?
– Méchants ? Non ! Enfin je crois pas. Aigris c’est possible… Tristes et seuls surement… Regarde toi. Hier soir tu t’endormais sous les arches à quelques mètres de là et après avoir fini ta nuit sous un chapiteau, te voilà maintenant face à moi.
– Je… Je suis toujours pas sûr de comprendre.
– Et pourtant il faudra, moi j’ai du taf et toi t’as un spectacle à aller voir. Bienvenue et…. Bonne soirée mon ami ! »

Chapitre 5 : Marchands de sourires (ref nec)

Will parti et la tente presque vide, Talik se rend compte qu’effectivement la nuit est tombée et que de l’extérieur provient un brouhaha grandissant. Il finit de manger tranquillement, nettoie ses couverts et se décide à aller voir ce qu’il en est.

A peine sorti il n’est pas déçu.

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Tandis que la lune brille au dessus de la place, cette dernière s’est conséquemment remplie de mômes de tous ages, tous les braséros ont été allumés, les chapiteaux ont été ouverts pour laisser circuler la foule et plusieurs scènes ont étés aménagées ci et là.

Sur l’une d’elles, le groupe de jongleurs de feu qui se maquillait sous la tente plus tôt se prépare à entrer en action. Sur une autre, devant quelques rangées d’enfants hilares habillés de grosses vestes, un clown essaye tant bien que mal de mettre la main sur une ampoule que son partenaire magicien fait apparaitre et disparaitre à sa guise. Les rires fusent et couvrent presque la musique qui provient d’un un orchestre improvisé installé sou un des deux chapiteaux et qui voit ses inspirations musicales changer au rythme de ses formations.

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Le temps que Talik traverse la place et arrive vers la scène, le quatuor de cuivres qui improvisait avec succès a laissé sa place à une chanteuse et un homme au hautbois, le batteur est devenu bassiste, le sonorisateur, percussionniste, le barman, batteur et le ska  s’efface doucement devant des sonorités orientales plus lentes.

Talik se pose à côté de la scène et commence à regarder les musiciens quand quelqu’un lui tape sur l’épaule, un homme avec qui il a travaillé cet après midi mais dont il à oublié son nom.

« – Je sais que t’as pas une tune mais c’est moi régale lui dit il en lui montrant qq jetons rouges qu’il met dans une caisse. Tu veux boire quoi ?
– Heu… Je sais pas… Bière c’est possible ?
– Bouge pas, j’te ramène ça de de suite.
– Merci ! »

L’homme disparait derrière le bar où une équipe s’affaire afin de satisfaire tout le monde, revient peu après une pinte à la main et repart aussi sec sans que Talik ai pu le remercier ou lui demander son prénom.

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Sur scène, la chanson se termine et une danseuse profite d’un duo de guitaristes et de chanteurs pour une danse flamenco, ses talons claquant énergiquement sur un sol de bois tandis que ses bras et ses mains, tantôt brusques, tantôt doux, semblent jouer avec quelque objet, ou personne, invisible. En un instant, le silence se fait dans le public et tous les regards se tournent vers la scène pour apprécier le spectacle.


Tous sauf deux.

Plantées devant Talik avec de grands sourires, deux filles le regardent en lui faisant un signe peace and love de la main.

« – Salut dit l’une d’entre elles. Nous on est la pour que tout le monde passe un bon moment et comme on te voyait tout seul dans ton coin, on s’est dit qu’on allait t’emmener voir les jongleurs, de la musique et de la dance y’en aura toute la nuit t’inquiètes pas ! »

CHAPITRE 6 : Les cieux de la roulottenuitsdelaroulottePFYphotodujourbonjour

« – Moi c’est Élie, elle c’est Lise. Toi c’est Tilak c’est ça ?
– Comment tu sais ?
– T’es une vraie célébrité dans le coin, faut pas croire.
– Ça fait longtemps qu’on avait pas retrouvé quelqu’un sous un chapiteau un matin enchaine Lise. Du coup t’es pas passé inaperçu et surtout t’as un peu foutu la pétoche à Will quand il est venu bosser, il t’avait pas vu et il a failli te marcher dessus. Il est arrivé en panique au petit dej pour nous demander si on savait qui tu étais rajoute t-elle en éclatant de rire. »

En arrivant dehors, ils constatent que les jongleurs sont descendus de leur scène, ont délimité une zone de sécurité avec des bougies et s’en donnent à cœur joie, les massues,  bâtons et cordes enflammés virevoltent au dessus des têtes, dans leurs dos et passent de mains en mains produisant un son grisant que complètent à merveille quelques percussions, une guitare et un saxophone

les chapeaux pointus en pleine action

Élie, Lise et Tilak s’assoient tous trois pour les regarder et continuent de discuter.

« – Tu restes un moment ? lui demande Lise
– Je sais pas… Quelques jours, une semaine… C’est possible oui.
– Cool ! Tu verras demain ça sera plus relax niveau installation, l’après midi y’a deux spectacles et le soir on remet ça avec les concerts et les scènes ouvertes !
– C’est quoi les spectacles ?
– Le premier c’est des marionnettes et de la danse, on les a déjà vu c’est génial ! Répond Elie. Enfin… Moi j’trouve ça génial mais j’ai 8 ans dans ma tête ça doit être pour ça rajoute t-elle avec un sourire.
– C’est important l’age ?
– Celui que t’as dans la tête, je pense.
– Je tacherai de m’en souvenir. Et le second spectacle ?
– Le second c’est moi qui l’ai choisi dit Élie. C’est une pièce de théâtre avec et sur deux réfugiés en France. Une pièce comique s’empresse t-elle de rajouter voyant le sourire de Tilak s’effacer.
– Un pièce comique ?
– Heu… Oui… Désolé, j’ai pas pensé… Non mais franchement ça va être bien, je t’assure ! J’viendrais avec toi mais t’inquiètes, ça se passera bien, j’pense même que…. J’pense même que ça pourrait peut être te faire du bien. »

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Alors que l’ambiance comme la lune semblent se couvrir de quelques nuages, une petite fille d’environ 6 ou 7 ans voulant sauter dans les bras de Lise, trébuche, renverse quelques bougies, la bière de Tilak et, après un vol plané, atterrit sur les genoux d’Élie manquant de peu de tomber la tête la première contre le sol.

Les jongleurs s’arrêtent mais à peine le temps d’avoir peur que la petite fille se redresse, regarde autours d’elle et palpe ses membres pour voir si elle n’a rien. Puis, voyant qu’elle est devenue un instant le centre d’attention, elle tend les deux bras en l’air en signe de victoire et crie « Strrrriiiiiike ! » en riant.

La foule, paniquée un instant, explose de rire tandis que, jouant son rôle jusqu’au bout, la petite fille salue le public sous les applaudissements de ce dernier avant de venir se blottir dans les bras de Lise.

 » – Tilak j’te présente Zoé, ma nièce ninja cascadeuse et musicienne, Zoé, j’te présente Tilak, il va rester avec nous un peu.
– Enchanté Zoé !
– Salut Tilak ! C’est bizarre comme nom Tilak, ça vient d’où ?
– C’est un prénom indien.
– T’es un sioux ? Ouahou, trop cooool !!
– Non pas ces indiens là, les indiens d’Inde.
– Ha… dit Zoé un peu déçue.
. Et toi, Zoé ça vient d’où ?
– De ma maman. Dis, tu m’emmènes voir les concerts ?

Tilak regarde Lise.

– Ça te dérange pas ? demande cette dernière.
– Du tout.
– Parfait alors, nous on va retourner bosser. J’vous fait confiance, vous êtes respectivement entre de bonnes mains. Si besoin on est jamais bien loin et au pire on se revoit plus tard.
– Ok, à plus tard ! »

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Quand Tilak, Zoé sur les épaules, repasse devant la scène où la danseuse se trouvait plus tôt, l’ambiance est maintenant aux airs slaves alors qu’au moins une dizaine de musiciens jouent pour presque autant de danseuses dans un grand final improvisé et explosif.

« – Moi plus tard, c’est ça que j’veux faire dit Zoé.
– De la danse ?
– Oui, de la batterie aussi, de la trompette et du violon. Mais du violon je sais déjà un peu en jouer.
– Ouahou fait Tilak impressionné, tu me montreras ça demain ?
– Hum… Oui mais juste à toi alors… J’aime pas trop quand on me regarde rajoute t-elle d’une petite voix.
– Ça roule, en échange j’te jouerai un peu d’accordéon.
– Marché conclu ! Dit-elle en tapant dans la main que Talik lui tend. Merci de m’avoir accompagné, sinon j’aurais pas pu venir. Et les concerts c’est mon moment préféré !

Arrivés juste devant la scène il la fait descendre de ses épaules et l’aide à passer de l’autre côté des barrières de sécurité. Sur la scène une foultitude de micros et d’instruments sont disposés et prêts à servir : guitares, violoncelles, trompettes, percussions, platines vinyles, accordéon, clarinette, batterie, violons, tubas, bandjo, contrebasse et bien d’autres. Mais parmi tous ceux ci Zoé n’a d’yeux que pour le saxophone étincelant au milieu de la scène jusqu’à ce que tout à coup la lumière ne s’éteigne sous le chapiteau et que le silence ne se fasse dans la salle.

Zoé tire alors Tilak par la bras pour lui dire quelque chose dans l’oreille :

« Maintenant t’es chez toi ici, tu fais parti de la magie. « 

Et alors que Tilak la regarde intrigué, elle l’embrasse sur la joue et se retourne pour regarder les musiciens entrer en scène…

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Et c’est ici que s’arrête notre histoire, personne n’a prit le temps d’écrire le détail de ce qui c’était passé ensuite mais on peut sans nul doute possible s’imaginer une folle soirée de danse et de musique jusqu’à tard dans la nuit.

Hélas la légende raconte que petit à petit, années après années, lentement mais surement les âmes perdues ont étés de plus en plus nombreuses et la magie a fini par cesser de fonctionner.

Les marchands de sourires sont alors partis sans prendre la peine de prévenir. Prévenir qui d’ailleurs ?

Personne ne sait où ils sont allés. Personne ne sait non plus ce qu’est devenu Tilak.

Mais…

Quelques voisins du quartier racontent cependant que depuis cette soirée, chaque année en hiver sur cette triste place carrée pour ceux qui savent tendre l’oreille, enlever leurs œillères et retrouver leur âme d’enfant, sous un croissant de lune éclatant, les chapiteaux sont toujours là et le spectacle que l’ensemble offre est parmi les plus magnifiques qui puisse vous être donné de voir…

« – Elle était belle ton histo… Pardon. Elle est belle ta légende Bogdan. J’me suis revu môme courir dans les rues pour aller voir les musiciens en cachette de mes parents le soir… Putain… Qu’le temps passe vite… Ouais elle était belle… Mais triste… Tu veux pas changer la fin pour un truc plus… Joyeux ?
– Tu veux changer une histoire que ma mère me racontait quand j’étais petit ?
– Ok, ok, j’ai rien dit, oublie.
– Elle est pas triste. Enfin si mais parce que tu vois le verre à moitié vide… Et en parlant de verre vide…
– J’pense qu’on va arrêter là Bogdan niveau picole, non ? Pour être honnête, j’suis étonné que tu sois allé au bout de l’histoire.
– Tu sais quoi ? T’as raison, sur la picole en tout cas. Faut pas être triste que ce soit terminé Sdjran, faut être heureux que ce soit arrivé.
– Ouais mais quand même…
– Ma mère a bossé avec des mômes toute sa vie et j’crois qu’elle me racontait cette histoire gosse pour essayer de me transmettre cette minuscule mais scintillante étincelle qu’elle a toujours eu au fond des yeux. Pas oublier d’être attentif aux petites choses, aux petits détails… Pas oublier d’être attentif aux autres.
– Et alors ?…
– Hum… Je sais pas…
– Parler à un assistant imaginaire ça compte pas ?
– Ça ça veut juste dire que j’suis fou, moi c’que je veux c’est rencontrer d’autres fous… Tu connais Chambéry ?
– Jamais foutu les pieds, c’est où ça ?
– En France.
– Pourquoi tu m’demandes ça ?
– J’ai bien envie d’y aller.
– En France ? Qu’est ce que tu veux aller foutre en France ? On galère pas déjà assez ici comme ça ?
– Elle, elle les verrait ces chapiteaux… J’veux voir si moi aussi pis… Quitte à pas avoir une tune, marchand de sourires j’crois que ce me botte plutôt bien comme métier. « 

– FIN –


 

Au départ, je voulais faire un compte rendu journalier du festival avec photos… C’était avant le lancement du montage du festival, j’étais encore jeune et naïf.

Après j’ai fait un papier sous forme de morceaux choisis mais j’ai l’impression d’avoir déjà fait 50 fois ce genre d’article et ça zappait forcément de passages et des gens alors je l’ai supprimé…

Puis finalement j’me suis démerdé pour pouvoir en écouter du Aälma Dili et un soir tandis que je jetais un premier œil sur certaines photos du spectacle de marionnettes de Coppelius, « interlude » est passé en même temps et y’a comme une petite scène qui s’est ouverte devant mes yeux.

Alors, ne pouvant vous parler de tout ni de tous tellement il y aurait de choses à dire de la prépa en amont au démontage final et de gens à évoquer entre orgas, bénévoles et artistes de tous bords, je me suis dit que quitte à raconter une légende autant en raconter une qui parlerait d’eux puisque cette légende si c’est moi qui viens de l’écrire, c’est eux qui lui ont donné naissance et fait vivre toutes ces années… Avec brio !

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Dream team (partielle) des Nuits de la roulotte – Promotion « Marchands de Sourires » 2018

En introduction j’ai commencé avec une citation que j’aime beaucoup et que j’ai déjà utilisé plusieurs fois, je vais finir de la même façon :

« J’ai reçu mon invitation au festival du monde et j’ai joué tant que j’ai pu. »
– Rabindranath Tagore –

Messieurs dames… Merci pour l’invitation !
Bogdan !


Compagnie musicale :

– Redstar Orkestar : Redsession #2 (grand merci pour le skeud !)
– EZPZ : Crazy Gordon – Joe Lambda (live)
– Ziveli Orkestar : Tumbala – Nema Vode
– Aälma Dili : Pour une poignée de dinars – Conquêtes – => Interlude <=
– Les Gars Dans L’Coin : Mes mots – Captain no life
– Goran Bregovic : Wedding Cocek
– Emir Kusturica : Dying song – Corfu – The Waterfall
– La Caravane Passe : Rom à Babylone – Gypsy for a day – T’as la touche manouche – Rame dans l’métro
– La bande originale de « Au revoir là haut » : Albert Swing – Variety Stomp
– Prop Dylan : Can you imagine – Keep on moving
– Stupeflip : Stup cauchemards
– Ratatat : Glock Nine – Party with children
– Smokey Joe & The Kid : Running to the moon – Smokid Inc. – Andrew’s Break

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